Les propositions de PEPS pour « l’avenir de la filière sciences économiques »

ENSEIGNEMENT DE L’ÉCONOMIE : LES PROPOSITIONS DE PEPS

Le collectif d’étudiants Pour un Enseignement Pluraliste dans le Supérieur (PEPS-Economie), qui se réjouit de l’existence de la « Commission Hautcoeur sur l’avenir de la filière sciences économiques » et la remercie d’avoir auditionné l’un de ses membres, souhaite préciser de nouveau son constat relatif à l’enseignement de l’économie dans le supérieur, ainsi que les propositions qui en découlent.

L’isolement de l’économie sur elle-même

La cartographie des enseignements de licence que nous avons réalisée (publiée en avril 2013 dans L’économie politique) impose la conclusion sans appel que l’enseignement de l’économie souffre par trois fois de son manque de pluralisme.

1)   Les enseignements qui interrogent tant la scientificité de la théorie économique (épistémologie) que son histoire (histoire de la pensée économique) sont marginalisés pour ne pas dire complètement absents lors des trois premières années à l’université (quasi-aucun cours d’épistémologie, moins d’un cours sur cinquante consacré à l’histoire de la pensée). Par ailleurs, les théories alternatives à l’approche dominante (laquelle se résume au triptyque : Economie Nouvelle classique – Economie Nouvelle keynésienne – Théorie des cycles réels) sont rarement abordées (les cours intitulés « théories économiques » ne sont enseignés que dans un nombre infime de licences). Dans cette situation, les étudiants n’ont pas accès à l’ensemble des théories économiques, mais qu’à un pan de celles-ci, et ne sont pas invités à entretenir une distance critique à l’égard d’une discipline qui semble elle-même esquiver le débat d’idées ;

2)   L’histoire des faits économiques, de même que le décryptage de l’actualité économique sont bien trop souvent absents des maquettes de licence. Par conséquent, l’enseignement actuel de l’économie donne l’image d’une discipline déconnectée des faits ;

3)   Enfin, les autres sciences sociales ne sont que très rarement enseignées dans les licences d’économie. Dès lors, les étudiants sont privés non seulement des résultats mais également des méthodes fécondes des autres sciences sociales qui pourtant seraient bénéfiques pour la compréhension des problèmes économiques contemporains. L’étudiant titulaire d’un bac ES ne pourra manquer de penser que la discipline qu’on lui enseigne à l’université est bien décharnée en comparaison avec ce à quoi l’enseignement des SES l’avait habitué. Il ne faut donc pas s’étonner de la diminution des effectifs que connaissent les cursus en sciences économiques, lesquels ne survivent souvent que grâce à la gestion.

Contre cet état de fait, et contre le désarroi intellectuel qui gagne bien trop d’étudiants en sciences économiques, nous en appelons à un triple pluralisme :

1)  Théorique : la théorie standard devra à l’avenir entamer un dialogue de fond avec les théories alternatives (post-keynésianisme, économie marxiste, institutionnalisme…). Nous en appelons donc à ce que les différentes théories économiques soient enseignées de manière équitable.

2)  Conceptuel et méthodologique : les matières réflexives telles que l’épistémologie et l’histoire de la pensée économique doivent avoir une place plus conséquente au sein des enseignements permettant une étude critique des différentes théories enseignées.

3)   Disciplinaire : l’économie est une science sociale à part entière. Elle doit être mise en rapport et en confrontation avec les autres sciences humaines et sociales.

Les vertus de l’enseignement par objets

Pour faire droit à ce triple pluralisme, nous en appelons à un enseignement de l’économie qui part d’objets fréquemment étudiés au sein de cette discipline (le travail et l’emploi, la redistribution des richesses, la production et son organisation, la consommation et l’épargne, etc.). Un tel enseignement, à rebours de l’approche actuelle centrée sur les cours de micro et de macroéconomie, nous paraît le plus à même de permettre un réel pluralisme tant théorique que méthodologique. Ce n’est qu’en travaillant sur des problèmes précis que, non seulement des théories économiques concurrentes pourront dialoguer entre elles, mais, qu’en outre, économie, sociologie, histoire et autres sciences sociales pourront conjuguer leurs forces. Maurice Allais ne disait-il pas au soir de sa vie que « les sciences sociales ont besoin d’un immense effort de synthèse » (L’Economie politique, n° 43, juillet 2009) ?

L’enseignement pluraliste en action

Voici à quoi pourrait ressembler un enseignement pluraliste de l’économie en action :

Extrait de la maquette PEPS
Extrait de la maquette PEPS
  • un enseignement centré sur des objets, qui rendrait possible une véritable confrontation entre théories concurrentes et méthodologies variées ;
  • l’enseignement indispensable d’outils méthodologiques (statistiques, économétrie, mais également méthode de terrain), si possible en lien avec les objets étudiés au même moment ;
  • un grand cours d’actualité économique et sociale pour doter les étudiants de grilles d’analyse pertinentes pour décrypter le monde contemporain ;
  • un cours intégré d’histoire des faits et de la pensée économiques, afin de comprendre comment les débats théoriques ont pu se structurer autour d’enjeux économiques bien concrets.

Nous pensons qu’un tel enseignement permettra le développement de compétences utiles :

  • à la poursuite d’études et à la recherche. Une connaissance approfondie des faits économiques et une aptitude à mobiliser des cadres théoriques variés rendront possibles des projets de recherche innovants et portés à résoudre les problèmes socio-économiques de notre temps ;
  • à l’insertion professionnelle. Connaître les acteurs de l’économie, les dilemmes qu’ils affrontent, et maîtriser les grands enjeux contemporains sont là des compétences qui seront appréciées par les futurs employeurs.

Une réflexion sur “Les propositions de PEPS pour « l’avenir de la filière sciences économiques »

  1. Etudiant à la faculté d’économie de Poitiers en première année, je tiens à vous remercier de votre engagement contre cet enseignement orthodoxe et dépassé de la discipline. Il est très difficile, en arrivant en première année, de ne pas tomber dans l’idéologie orthodoxe dans laquelle nous sommes plongé. C’est un manque d’honnêteté intellectuelle que de prétendre qu’il n’y a qu’une seule manière d’enseigner l’économie, et vous battre contre cela est admirable.
    Je ne sais pas s’il est possible de rejoindre votre collectif, mais si c’est le cas, je suis prêt à m’engager à vos côté.
    Et si ce n’est pas possible, alors un simple merci, et continuez votre combat, il est des plus louable.

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